Conférence : Que sait-on du travail ?

A l’invitation de la Mutualité Française Bourguignonne – VYV 3 Bourgogne, Bruno Palier et François-Xavier Devetter ont donné une conférence le 22 mai dernier à Nevers pour présenter cet ouvrage collectif qui réunit les travaux de pas moins de 60 chercheuses et chercheurs spécialisés en sciences sociales, en économie et en politique. 

Bruno Palier est Directeur de recherche CNRS en sciences politique au CEE, spécialités : Science politique, Européanisation, Politiques sociales et fiscalité. Il est docteur en science politique, agrégé de sciences sociales et ancien élève de l’école normale supérieure de Fontenay Saint Cloud. Il travaille sur les réformes des systèmes de protection sociale en France et en Europe, et conduit plusieurs projets de recherche sur : les politiques d’investissement social, l’européanisation des réformes de la protection sociale, les dualisations sociales en Europe. 

Il effectue un tour de France pour présenter l’ouvrage collectif qu’il a coordonné : « Que sait-on du travail ? ». Un ouvrage auquel a participé François-Xavier Devetter, professeur de sciences économiques à l’université de Lille, et dont les travaux portent plus spécifiquement sur les métiers considérés comme « essentiels » au bon fonctionnement de notre société, les métiers des services à la personne et du nettoyage, « essentiels et pourtant insoutenables » … 

Que sait-on du travail ?

Il s’agit donc d’un livre collectif qui permet de faire le point, de façon synthétique et relativement accessible, sur ce que l’on sait du travail en France : rapport au travail, santé et sens du travail, spécificités françaises, management et organisation du travail, changement climatique de surcroît, métiers essentiels, métiers du vieillissement…  Bref, pour en finir avec certaines idées reçues sur le travail, pour faire connaître ces savoirs au plus grand nombre et susciter le débat. 

Sandrine et Virginie ont assisté à la conférence, voici ce qu’elles en retiennent : 

En France, les conditions de travail et la santé au travail devrait être un sujet pris beaucoup plus au sérieux : il y a 2 accidents du travail par jour en France, et c’est dans notre pays que l’on compte le plus grand nombre de burn-out en Europe.

Les métiers dits essentiels représentent 32% des effectifs salariés en France. Ce sont ceux qui ont travaillé hors du domicile au moment du confinement de mars avril 2020. 

La valeur travail qui est souvent définit par la production et la création de richesses est une valeur très masculine. 

Dans les 10 situations pénibles en emploi, reconnues par l’arrêté du 15.06.93, les professions de l’aide à domicile ne sont pas reconnues comme pénible, tout comme d’autres métiers plutôt féminisés qui sont donc exclus de cette liste. 

En Allemagne, la création d’une filière de formation diplômante Bac +2 avec une rémunération de +15% du SMIC a été créée parce qu’il y avait un besoin de compétences. En France, par exemple, la formation de Technicienne d’Insertion Sociale et Familiale est très peu développée et les postes se font de plus en plus rares dans les établissements (10 000 aujourd’hui contre 60 000 il y a 20 ans). C’est une option politique qui peut être remise en question au regard des besoins RH identifiés dans les établissements et associations d’aide à domicile. 

Une des problématiques du travail en France, c’est le mode de management et l’organisation, avec des discriminations de plus en plus persistantes. 

Organisation et management

Une des problématiques du travail en France, c’est le mode de management et l’organisation, avec des discriminations de plus en plus persistantes. 

  • Lean management : grosse pression sur les équipes pour faire des économies. 
  • Néo taylorisme : utilisation des technologies pour des tâches simples et automatisation de certaines tâches. Par exemple : des casques IA dans les entrepôts ou les tablettes à borner pour les aides à domicile.  
  • Verticalité du travail : des décideurs souvent sortis de grandes écoles reflet du système scolaire avec une hiérarchisation que l’on vit dès la maternelle.  

Dans les changements à identifier, on vit dans une économie de la connaissance. Les personnes diplômées sont de plus en plus nombreuses. Le problème, c’est que ceux qui décident sont très loin de ce qui font. On a besoin de plus de transversalité, plus de retour des salariés, plus de reconnaissance, il faut être prêts à remettre en question le système. 

En France, il n’y a pas de stratégie économique par rapport aux richesses : « Ça fait 50 ans qu’on cherche à réduire le coût du travail, on nous parle que de réduction de coûts du travail ».  

Le coût du travail

En France, il n’y a pas de stratégie économique par rapport aux richesses : « Ça fait 50 ans qu’on cherche à réduire le coût du travail, on nous parle que de réduction de coûts du travail ».  

Les entreprises délocalisent plus de 25 000 emplois par an depuis 20 ans. Avec une grosse désindustrialisation.  La sous-traitance se développe aussi depuis + 20 ans ce qui entraine plus de précarité et d’accidents du travail, 25% des salariés travaillent chez des sous-traitants. 

Bruno Palier pointe une contradiction : repousser l’âge de la retraite et ne pas embaucher les séniors. 

François-Xavier Devetter est chercheur au Centre lillois d’études et de recherches sociologiques et économiques (Clersé) et à l’Institut de recherches économiques et sociales (IRES). Ses travaux de recherche portent sur le temps de travail et les emplois à bas salaire, tout particulièrement les agentes et agents d’entretien, les aides à domicile et les assistantes maternelles agréées.  

Des métiers essentiels

3 univers représentent 2,5 millions de salariés : la petite enfance, le vieillissement  et la propreté – nettoyage.

La pauvreté laborieuse, c’est la moitié des salariés qui sont dans les métiers du « prendre soin ». Ce sont 1/3 des femmes qui sont mal payées avec des conditions de travail difficiles. Beaucoup de familles monoparentales et donc de multiples tensions rencontrées.  

Dans le contexte actuel, les 4 enjeux majeurs sont clairs : une identité floue, des modalités de financement complexes, la nécessité de réexaminer la qualité des services, notamment en termes de contrôle et de formation, et enfin l’attractivité des métiers étroitement liée à la qualité de l’emploi.

Le secteur de l’aide à domicile et de l’entretien propreté, c’est 4% des ruptures de contrat annuellement, et 1/6 sont licenciés pour inaptitude. 

Il y a de nouveaux modèles à développer des nouvelles organisations, comme par exemple les équipes solidaires ou autonomes pour l’aide à domicile. 

Pour aller plus loin

Pour écouter une conférence sur cet ouvrage avec des interventions de plusieurs chercheurs et chercheuses (pas celle de Nevers) mais la Conférence de Marseille organisée par les Bibliothèques de Marseille et l’association Coudes à coudes

Vous pouvez également participer à la prochaine conférence organisée par la région Bourgogne Franche-Comté, le 12 juin à Dijon. Plus d’infos

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